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L'occultisme ne s'épanouit vraiment que lorsqu'il est soumis au Divin. La Mère

La doctrine de la "double mort"


Trop méconnue est l'alchimie originaire de l'Islam. Avec ses grands alchimistes tel Jadalki et Jâbir ibn Hayyân elle est pourtant d'une importance capitale pour nous guider dans notre quête alchimique. Le livre de   Pierre Lory, Alchimie et mystique en terre d'Islam est une mine d'or. Voici un extrait capital pour comprendre l'essence de l'alchimie et l'objectif de la nouvelle forme d'alchimie qu'est la bio-alchimie hydrique avec la confection de l'Elixir Amrita.

Le doctrine de la "double mort"



Devant le silence de Jâbir concernant le rôle du travail alchimique face à la vie et à la mort individuelles, nous nous permettrons d'avancer, à titre d'hypothèse heuristique, l'idée que Jâbir vise ici discrètement la doctrine de la « double mort ». Cette doctrine, présente dans la tradition alchimique alexandrine et syrienne, et dans bien d'autres systèmes alchimiques, suppose une pluralité de corps, de « véhicules » en l'homme : un corps grossier, et un ou plusieurs corps subtils (globalement désignés par le terme psukhè). Si le corps grossier se sépare définitivement de cette «âme», advient ce qui est appelé « mort naturelle ». Le corps physique se décompose, tandis que le corps subtile mène un certain temps une vie fantomatique avant de disparaître Mais ce processus n'est pas inévitable, et la visée de nombreux alchimiste sera de renforcer progressivement le corps subtil, notamment par l'ingestion d'élixirs puissants et équilibrés. S'il parvient à élaborer l'Élixir suprême l'alchimiste peut acquérir une âme d'une puissance et d'un équilibre tels qu'elle en devient indé­pendante de son corps grossier, et peut subsister  pendant un temps fort long, sans avoir à se soucier d'alimentation, ou de tout autre soin, tout en jouissant d'une capacité surnaturelle d'intellection a tous les niveaux. Cette véritable palingénésie*, sou­vent appelée « deuxième naissance », suit la rup­ture d'avec l'ancien ordre, dite alors «deuxième mort ». Elle est corrélative de cet éveil à soi que nous décrivions plus haut comme étant le but final de l'alchimie. Sans cette illumination, le chercheur  ne pourrait pas avoir accès à la connaissance de l'Elixir; cet Elixir,-à son tour, assurera la pérennité de son état mental nouveau.
 
 
Certes, cette conception n'apparaît pas expli­citement dans les textes de Jâbir, qui n'y fait qui de discrètes allusions; toutefois, elle permettrait d'expliquer bien des silences, des non-dits et des obscurités de son œuvre. Elle expliquerait par  exemple la nature de cette mystérieuse « suffi­sance » qui est le but ultime et le titre de noblesse de l'alchimie jâbirienne. Elle permettrait de com­prendre les expressions « avant » et «après» la mort comme des références à cette deuxième mort, volontaire, et de relire toute la classification du K. al-hudûd comme une classification entre sciences préparant matériellement à ce passage et sciences correspondant à l'état mental d'illumina­tion obtenu corrélativement à la palingénésie. D'autres obscurités de la doctrine jâbirienne, telle la théorie de la génération artificielle des hommes, y trouveraient un éclaircissement, nous le signa­lions plus haut. Mais cette idée n'est avancée, répétons-le, qu'à titre de simple supposition.


 Pierre Lory, Alchimie et mystique en terre d'Islam
chp. III, Jâbir ibn Hayyân et les sciences de son temps.