On ne peut pas faire l'économie de la lecture des oeuvres de Paracelse, et une fois de plus ce génie nous délivre un exposé profond et pertinent en ce qui concerne l'alchimie, et surtout nous apporte une profondeur de réflexion pour la démarche de notre recherche alchimique.
En avant goût, quelques extraits DU LIVRE DE L'ALCHIMIE THÉOPHRASTE PARACELSE LE GRAND
(...)
Tous ceux qui ont vécu du temps du Christ ne l'ont
pas suivi ; il y en eut même qui l'ont méprisé — pourquoi me serait-il donné le
privilège de n'être méprisé par personne ?
(...)
Si vous lisez ces trois ouvrages et si vous les
avez compris, alors sans aucun doute vous me suivrez, vous et même ceux qui
s'étaient d'abord trompés. Je ne veux toutefois pas m'arrêter là, mais
continuer, tant que Dieu m'accordera son aide, à exercer ma monarchie, et
rédiger aussi quelques livres sur des sujets particuliers.
(...)
Nonobstant vos calomnies et vos ragots, c'est ma
monarchie qui subsistera, non la vôtre. C'est la raison pour laquelle il me
semble opportun de traiter si longuement de l'alchimie, pour que vous appreniez
comme il convient ce qu'elle est et comment il faut l'entendre. Ne soyez donc
pas dépités d'apprendre qu'elle ne conduit ni à faire de l'or, ni à faire de
l'argent ; mais qu'elle est à même de révéler les arcanes, et qu'elle dévoile
les duperies et les subornations que les apothicaires font subir aux braves
gens : ce qu'ils leur délivrent pour une pièce d'or, ils ne le reprendraient
pas pour un sou – si peu valent leurs préparations !
(...)
J'ai, à plusieurs reprises, parlé de l'alchimie ;
en ce qui me concerne il faut l'entendre comme l'art qui est à même de
manifester les vrais merveilles, arcanes, mystères, vertus et forces, et tout
ce dont nous avons besoin pour guérir les maladies.
(...)
C'est cela l'alchimie : conduire à son terme
ce qui n'y est point parvenu.
(...)
En fait l'alchimie est un art utile et
indispensable. C'est en elle que se tient l'art du vulcanus; et il est par conséquent nécessaire de connaître le
pouvoir du vulcanus.
L'alchimié c'est l'art ; l'artiste, en elle, c'est le vulcanus. Vulcanus est le maître de l'art, ce qui ne relève pas du vulcanus ne saurait en être le maître.
Si donc vous voulez comprendre la nature de cet art, sachez d'abord que Dieu a
créé toutes choses et que c'est de rien qu'il a fait exister les choses. Ces
choses constituent une semence ; et la semence est indicative de la fin qui est
sa destination, et c'est son office d'y parvenir
(...)
C'est cela l'alchimie ; c'est
cela le fondeur qui se nomme vulcanus.
Ce qu'opère le feu est alchimie, que ce soit à la cuisine, que ce soit dans le poêle
; le vulcanus régit le feu, qu'il
s'agisse du cuisinier, qu'il s'agisse de celui qui entretient le feu dans le
poêle.
Il en va de même de l'art
médical. Les remèdes sont créés par Dieu, mais non préparés par lui selon leur
dernière perfection. Ils demeurent cachés dans les scories ; et c'est au vulcanus qu'est confié le soin de
séparer le remède des scories . Et ce qui est vrai du fer, est vrai des
remèdes.
(...)
Entendez donc ce que je dis : rien n'a été
créé jusque dans sa matière ultime ; mais toutes choses ont été créées comme
matière première. C'est au vulcanus
de les conduire jusqu'à leur matière ultime grâce à l'art de l'alchimie.
L'archeus, le vulcanus
interne, prend ensuite le relais ; il sait transformer, répartir et préparer
selon les mesures et les destinations, tout comme le fait l'art alchimique dans
ses distillations, sublimations, calcinations, etc. ; car tous ces arts
existent en l'homme comme ils existent dans l'alchimie externe qui en est la
préfiguration. Ainsi se distinguent archeus
et vulcanus.
(...)
Le troisième fondement sur
lequel s'appuie l'art médical est l'alchimie. Si le médecin ne s'y applique
avec zèle et n'y acquiert une grande expérience, son art demeurera vain. La
nature se montre, en effet, si subtile et si pénétrante en ses produits et
chemins qu'il est impossible d'en tirer bénéfice sans posséder un art authentique.
Car elle ne livre rien qui soit accompli ; c'est à l'homme de parfaire ce qu'elle
donne. Cet accomplissement nous l'appelons alchimie.
L'alchimiste, c'est le
boulanger dans la mesure où il cuit le pain ; le vigneron dans la mesure où il
fait le vin; le tisserand dans le mesure où il confectionne la toile. Est
alchimiste, par conséquent, celui conduit au terme voulu par la nature ce que
celle-ci produit dans l'intérêt des hommes.
(...)
Le moment éminent et ultime dans la préparation réside dans la connaissance de la
philosophie et de l'astronomie, c'est-à‑ dire dans la connaissance de la nature
des maladies, de celle des remèdes et dans celle de leurs rapports. Alors
s'impose la conclusion : comment celui qui sait doit-il appliquer ce savoir à
bon escient ?
(...)
Puisque c'est le Ciel qui est
efficace par ses astres et non le médecin, il convient de rendre le remède
éthéré de manière à ce que le Ciel puisse y être actif. Le Ciel pourrait-il
soulever une pierre ? Certes aucune. Il n'agit que dans ce qui est éthéré. Bien
des alchimistes ont été à la recherche de la quintessence ; on l'obtient en
débarrassant les arcanes des quatre autres corps — ce qui reste c'est l'arcane.
Cet arcane est un chaos qui est susceptible d'être conduit par les astres
aussi aisément qu'une plume se trouve emportée par le vent. La préparation des
remèdes consiste par conséquent à savoir séparer les quatre corps des arcanes,
à connaître quelle force astrale est active dans les arcanes ; puis à repérer
comment l'Astre agit dans telle ou telle maladie ; enfin, à trouver la force
astrale qui, dans et par l'arcane, est à même de lutter contre la maladie.
Voilà comment on conduit la médication.
(...)
L'alchimie
c'est l'estomac extérieur qui prépare le remède de façon à ce que l'Astre
puisse y être actif. L'alchimie ne consiste donc pas, comme il est coutume de
dire, à faire de l'or, à faire de l'argent. L'intention ici est, au contraire,
de préparer des arcanes et de les utiliser pour lutter contre les maladies.
Voilà le chemin que doit suivre le médecin, car c'est là que réside le fondement.
(...)
Le feu (de l'alchimiste) est la terre, l'homme est
l'ordonnateur qui conduit l'opération, les éléments en jeu représentent les
semences. Bien que l'on pense et comprenne toutes choses dans le monde comme si
elles étaient uniformes et simples, lorsqu' elles sont menées à terme elles
sont toutefois différentes, différentes également dans leurs fonctions
dernières. Dans ce processus alchimique les arcanes naissent dans le feu ;
et le feu est leur terre, et la terre est aussi leur soleil, de sorte que dans
cette deuxième naissance la terre et le firmament ne font qu'un. Les arcanes y
fermentent, s'y transforment.
(...)
Puisque l'alchimiste sait ainsi manifester ce que
recèle la nature, sache que la force est différente dans les bourgeons,
différente dans les feuilles, différente encore dans les fleurs, différente
enfin dans les fruits verts puis dans les fruits mûrs ; c'est proprement
merveilleux de constater comme la première pousse de l'arbre diffère de la
suivante, dans la forme aussi bien que dans la vertu. Par conséquent la
connaissance qu'on voudra bien en acquérir doit suivre attentivement cette
progression du premier bourgeon jusqu'au fruit mûr — car c'est ainsi que
procède la nature. Puisque donc la nature se manifeste et se révèle de cette
façon, il convient que l'alchimiste procède de même : qu'il conduise plus loin
ce que la nature a laissé en l'état.
(...)
Remarquez
que je considère l'alchimie comme le juste fondement de la médecine, notamment
en ceci que les plus importantes maladies, l'apoplexie, la paralysie, la
léthargie, l'épilepsie, la rage, la folie, la mélancolie (c'est-à-dire la
tristesse) et bien d'autres maladies ne sauraient être guéries avec les
décoctions des apothicaires.
(...)
Nonobstant vos calomnies et vos ragots, c'est ma
monarchie qui subsistera, non la vôtre. C'est la raison pour laquelle il me
semble opportun de traiter si longuement de l'alchimie, pour que vous appreniez
comme il convient ce qu'elle est et comment il faut l'entendre. Ne soyez donc
pas dépités d'apprendre qu'elle ne conduit ni à faire de l'or, ni à faire de
l'argent ; mais qu'elle est à même de révéler les arcanes, et qu'elle dévoile
les duperies et les subornations que les apothicaires font subir aux braves
gens : ce qu'ils leur délivrent pour une pièce d'or, ils ne le reprendraient
pas pour un sou – si peu valent leurs préparations !
(...)
Il faut aller à l'école de l'alchimie ;
c'est elle qui apprend à connaître le fond des choses et tout ce dont nous
avons besoin. S'il arrive à l'alchimie d'être méconnue, voire méprisée, cela ne
doit pas préoccuper le médecin : d'autres arts ont connu le même mépris, comme
la philosophie, l'astronomie et d'autres. Moi je ne puis que vous exhorter à
pratiquer l'alchimie, pour préparer des essences merveilleuses, découvrir les
mystères, obtenir des arcanes, pour séparer le pur de l'impur afin de parvenir
à un remède pur et sans défaut, parfait, un médicament sûr, éprouvé et élevé
jusqu'à sa plus haute puissance ainsi que Dieu l'a ordonné. En effet, le remède
ne nous est pas donné tout cuit et tout préparé : c'est à nous de le cuire et
de préparer ; de le cuire et en même temps d'apprendre, de nous exercer — voilà
en quoi Dieu trouve son contentement. Il ne veut pas que nous passions notre
existence dans l'oisiveté, mais que tous les jours de notre vie nous soyons au
labeur .
(...)
Nous demandons le pain quotidien, et Dieu nous le
donne, mais pas sans notre travail, notre art et notre préparation.
(...)
Si Dieu voulait nous nourrir directement par sa
parole, nous n'aurions pas besoin de blé, de champ, de moulin, ni de boulanger
; s'il l'avait ainsi décidé, sa parole suffirait. En réalité le pain nous vient
du champ, du moulin, du boulanger ; et Dieu veut que toutes choses dont nous
avons besoin en tant qu'êtres humains, nous soient ainsi préparées et livrées,
le pain comme pain, le vin comme vin, et il en est ainsi de tous les autres
produits de la nature.
(...)
C'est sottise de dire : je m'en remets à
Dieu, je n'aurai pas recours aux remèdes ; si Dieu veut que je me porte bien,
il me guérira. Certes, sa volonté s'accomplira, que tu aies ou non recours aux
remèdes. Mais il veut que nous soignions la maladie avec les remèdes. Il est
lui-même le médecin, et il veut que nous appliquions tel remède à telle
maladie, tel autre à telle autre. Puisque telle est sa divine volonté, et qu'il
a sur notre terre créé les remèdes, pourquoi l'homme se dresserait-il contre
Dieu, mépriserait-il l'ordre qu'il a institué ? Si tu as faim, tu n'attends pas
que Dieu vienne te nourrir ; tu attends le boulanger et le cuisinier.
(...)
Dieu a
donc disposé les choses de telle sorte que ce qui nous est proposé dans la
nature, sans que l'homme y intervienne, nous est donné sous la forme des quatre
éléments. C'est d'abord la terre où
croissent les plantes et les arbres et moult autres étants de cette espèce ;
l'homme y trouve ce dont il a besoin pour sa conservation. De même, Dieu fait
naître dans l'élément eau des minéraux et des pierres d'où procèdent et d'où
nous recevons métaux, gemmes et autres formations semblables. Il a aussi créé
le feu, c'est-à-dire le firmament pour qu'il nous vienne en aide ; qu'il
féconde l'eau et la terre et leur inspire l'art de faire pousser les choses en
direction de leurs fruits ; et qu'il assiste les hommes dans leurs entreprises.
(...)
C'est ainsi que l'homme trouve sa satisfaction dans
les choses de la nature ; l'un la cherche dans l'élément terre ; un autre dans
l'élément eau, trouvant son bonheur dans les minéraux ; un troisième dans
l'élément feu, se réjouissant dans les œuvres du firmament ; un quatrième dans
l'élément air, y cherchant et y trouvant la rosée céleste et la manne, fruit de
cet élément. Tout se trouve ainsi scruté, approfondi ; rien ne demeure
inexploré. L'Europe, l'Afrique, l'Asie, chaque continent, en son espace propre,
est en recherche des secrets de la nature – tant cette quête est innée en nous
tous.
(...)
Et comme c'est sa volonté qui doit s'accomplir et
non la nôtre, notre libre arbitre va tout entier se trouver lié et pris dans et
par cette volonté supérieure. Notre seule intention doit donc être de tendre
vers la connaissance des êtres de la nature, de les cultiver et, par notre
application et nos efforts, d'en assurer la préparation en vue de nos besoins.
Le choix de l'activité à pratiquer est, certes, libre : nous pouvons en effet
changer, choisir telle ou telle activité parmi beaucoup d'autres qui nous
plaisent, mais que cela se fasse, toujours, dans la discipline et l'effort.
(...)
THÉOPHRASTE PARACELSE LE GRAND