Extrait de L'Agenda de Mère, octobre 1969:
"En regardant
la suite des journées et ce qui arrive, l'expérience du corps est comme cela...
D'une certaine manière, à certains moments, il est dans la conscience
d'Immortalité, et puis, par influence (et encore par vieille habitude de temps
en temps), il retombe dans la conscience de mortalité, et ça c'est vraiment...
Pour lui maintenant, dès qu'il retombe dans la conscience de mortalité, c'est
une angoisse épouvantable; et c'est seulement quand il sort de là, quand il
rentre dans la vraie conscience, que ça passe. Et je comprends pourquoi il y
avait des gens, des yogis, qui parlaient de l'irréalité du monde, parce que,
pour la conscience d'Immortalité, la conscience de mortalité est une absurdité
irréelle. Et c'est comme cela (Mère passe les doigts d'une main entre les
doigts de l'autre main, indiquant un va-et-vient entre les deux consciences). Alors,
tantôt c'est comme cela, tantôt c'est comme cela. Et l'autre état, l'état
d'Immortalité, est immuablement paisible, tranquille, avec... comme des ondes
d'une rapidité foudroyante, tellement rapides qu'elles semblent immobiles. Et
c'est comme cela: rien ne bouge (en apparence) dans un Mouvement formidable. Et
alors, dès que l'autre état vient, ce sont toutes les notions ordinaires qui
reviennent, c'est-à-dire... vraiment, maintenant, dans l'état où il est, ça lui
donne l'angoisse et la souffrance d'un mensonge. Mais c'est encore comme cela (même
geste de va-et-vient)...
Pour en
sortir, la seule, la seule façon qui soit efficace, c'est justement l'abandon,
le surrender. Ce n'est pas exprimé par des mots ni par des idées ni rien, mais
c'est un état, un état de vibration, où il n'y a que la Vibration Divine qui
ait de la valeur. Alors – alors les choses se remettent en ordre.
Mais tout
cela, dès qu'on en parle...
Mais note que
c'est constant: ça arrive la nuit, ça arrive le matin (les matins généralement
sont très difficiles), et puis il y a d'autres fois où... (geste immense, uni,
avec un sourire) il n'y a plus de problèmes – tous les problèmes sont finis –,
plus de problèmes, plus de difficultés, plus rien.
(silence)
Il y a un
arrière-fond (c'est ça surtout), un arrière-fond de Négation inconsciente qui
est derrière tout-tout-tout, encore; il y en a encore partout: on mange, on
respire – on reçoit cette Négation...
Pour que tout
soit transformé, c'est encore un travail colossal. Mais quand on est ce que
l'on pourrait appeler de «l'autre côté» (ce ne sont pas des «côtés»), mais dans
l'autre état, ça paraît si naturel, si simple que l'on se demande pourquoi ce
n'est pas comme cela, pourquoi ça paraît si difficile? Et puis, dès qu'on est
de l'autre côté, c'est (Mère prend sa tête entre ses mains)... Le mélange est
encore là, c'est incontestable.
Vraiment,
l'état ordinaire, le vieil état, c'est consciemment (c'est-à-dire que c'est une
perception consciente), c'est la mort et la souffrance. Et puis dans l'autre
état, la mort et la souffrance paraissent des choses absolument... irréelles –
voilà.
Il semble que
ce corps soit très-très conscient de... (comment dire?) une sorte de stupidité.
Oui, une sorte de bonne volonté endurante et stupide. Il est très conscient de
cela. Et il est amené à comprendre que cet état était indispensable pour que le
travail puisse se faire, que quelqu'un qui serait... (naturellement, la moindre
mauvaise volonté est hors de question), mais s'il n'y avait pas cette espèce de
(ce n'est pas de l'inconscience), cette sorte de simplicité ignorante (c'est
quelque chose comme cela), sans cela, l'endurance deviendrait très difficile.
Il ne pose
pas de questions, mais de temps en temps, il est conscient de son état de
médiocrité, et alors tout naturellement, il se demande comment il se fait qu'il
ait été choisi pour faire ce travail? Et il paraît clairement que c'est une
sorte de bonne volonté qui provient du sens de sa nullité... Le moindre sens de
capacité, de valeur, ça enlève toute l'endurance. Alors, il n'a pas cela du
tout, et ça lui permet de continuer."