Extrait de L'Agenda de Mère, mai 1963
Le vrai mantra, personne ne peut vous le donner. Ce n'est
pas quelque chose qu'on donne: c'est quelque chose qui jaillit du dedans. Il
faut que ça sorte du dedans, tout d'un coup, spontanément, comme un besoin
profond, intense de ton être, alors ça contient le pouvoir; parce que ce n'est
plus quelque chose qui vient du dehors, c'est ton cri à toi.
Et j'ai vu pour moi, mon mantra a le pouvoir d'immortalité;
n'importe quoi peut arriver, si on le prononce, c'est le Suprême qui domine, ce
n'est plus la loi inférieure. Et les mots n'ont pas d'importance, ils peuvent
ne vouloir rien dire – pour quelqu'un d'autre, mon mantra n'a pas de sens, mais
pour moi il est plein, il est bourré de sens. Et il est effectif, parce que
c'est mon cri, c'est l'aspiration intense de tout l'être.
Le mantra que vous donne un gourou, c'est seulement le
pouvoir de réaliser l'expérience qui a été obtenue par celui qui a découvert le
mantra. Le pouvoir est là automatiquement, parce que le son contient
l'expérience. J'ai vu ça une fois à Paris, à une époque où je ne connaissais
rien de l'Inde, absolument rien, que les balivernes habituelles. Je ne savais
même pas ce qu'était un mantra. J'étais allée à une conférence d'un individu
quelconque qui avait soi-disant fait un an de «yoga» dans les Himalayas et qui
racontait son expérience (du reste pas bien intéressante). Et tout d'un coup,
au cours de sa conférence, il a prononcé le son ÔM. Alors j'ai vu toute la
pièce où nous étions qui s'est emplie de lumière soudain, une lumière dorée,
vibrante... J'ai probablement été la seule à remarquer. Je me suis dit «Tiens!»
Puis je n'y ai plus fait attention, j'ai oublié cette histoire. Mais il se
trouve que deux, trois fois, l'expérience s'est reproduite, dans deux ou trois
pays différents, avec des personnes différentes, et chaque fois qu'il y avait ce son ÔM, je
voyais tout d'un coup la même lumière qui emplissait l'endroit. Alors j'ai
compris. Ce son-là contient la vibration de milliers et de milliers d'années
d'aspiration spirituelle – toute l'aspiration des hommes vers le Suprême est
là-dedans. Et le pouvoir est là automatiquement, parce que l'expérience est là.
C'est la même chose pour mon mantra. Quand j'ai voulu
traduire la fin de mon mantra, «Gloire à Toi Seigneur», en sanscrit, j'ai
demandé l'aide de Nolini, qui m'a apporté sa traduction sanscrite, et quand il
l'a lue, j'ai vu tout de suite qu'il y avait le pouvoir – non pas parce que
Nolini y avait mis son pouvoir (!) Dieu sait qu'il n'avait pas l'intention de
me «donner un mantra»! mais le pouvoir était là parce que mon expérience était
là. Nous avons fait quelques ajustements et modifications, et maintenant c'est
le japa que je fais – je le fais tout le temps, quand je dors, quand je marche,
quand je mange, quand je travaille, tout le temps1. Et c'est comme cela que le
mantra a de la vie, quand il jaillit tout le temps, spontanément, comme le cri
de votre être – il n'y a pas d'effort à faire, pas de concentration: c'est le
cri naturel. Alors ça a tout le pouvoir, c'est vivant. Il faut que ça jaillisse
du dedans...
Ce n'est pas un gourou qui peut vous donner ça.
Mère