PARACELSE - CINQ TRAITÉS
DEUXIÈME TRAITÉ
De la génération et conservation
des quatre corps élémentaires.
Tous les corps naissent de la terre car la
terre est une mère pour toutes les choses corporelles. Le premier homme fut
fait de terre et après lui, tous les autres furent de terre et durent être
conservés par la terre, autrement dit par des nourritures et des boissons corporelles
et substantielles qui viennent et poussent aussi de la terre. De même ce qui
vient et qui est du ciel doit aussi être conservé par le ciel et non par la
terre. Tout comme ce qui est né dans l'eau et qui reçoit sa vie dans l'eau est
conservé par l'eau, ainsi qu'on peut le voir des poissons. Et ce qui est né
dans l'air et est de l'air, comme teneriabin, nostoch, la manne et la
mélisse, etc. a aussi des forces célestes et aériennes en soi et doit semblablement
être conservé par l'air. Ainsi les oiseaux qui ont aussi dans l'air leur
exercice et doivent être conservés en lui, car dans l'eau ou dans le feu, ils
ne peuvent point voler, ni non plus sous la terre. Donc ce qui naît de la terre
doit encore être conservé par la terre comme sont tous les vers, tous les
animaux rampants, et ensuite toutes les herbes, racines et tout ce qui pousse
de la terre. Nous voyons, en effet, suffisamment d'exemples dans les herbes et
racines qui, si on les arrache à leur mère — la terre — se flétrissent et
pourrissent bientôt et perdent leur humidité, par laquelle, ordinairement,
elles poussent et se développent. Ainsi aussi ce qui vient du feu et que le feu
engendre, ou ce qui a la nature du feu, tels la salamandre et le phénix, qui
l'un et l'autre doivent aussi conserver leur vie dans le feu, et, après un
grand âge, l'oiseau phénix se rajeunit [par cet élément].
Sachez que tout enfant est réjoui par sa mère;
et il est plus cher et plus agréable à sa propre mère qu'à une autre mère qui
ne l'a pas engendré. C'est pourquoi vous devez savoir qu'il existe quatre mères
qui engendrent toutes choses corporelles, mais seulement un père qui est le
ciel.
Sachez aussi qu'en toute matière corporelle
à qui l'on enlève sa mère, la mort est présente et [la matière] devient mumie.
Parce que tout ce qui perd sa vie est mumie. Vous en avez un exemple avec les
poissons qui ne peuvent conserver leur vie ni dans l'air, ni dans la terre, ni
dans le feu. Car ils n'ont ni plumes ni ailes et pour cela ne peuvent voler ou
se maintenir en l'air, ni se nourrir. Ils n'ont aussi ni pieds ni ne possèdent
la nature des vers, raison pourquoi ils ne peuvent courir nulle part ni ramper
sous la terre. Ils n'ont point non plus la peau des salamandres ni un plumage
capable de résister à la brûlure du feu. Et ils ne peuvent non plus, comme le
phénix, faire croître une nouvelle et jeune forme à partir de leurs propres
cendres. Voilà pourquoi le feu est leur adversaire et leur mort.
Ainsi donc faut-il l'entendre avec nombre
d'autres corps élémentaires. Et parmi ces quatre éléments, l'air est le plus
noble parce qu'il est le premier et aussi parce qu'il donne la vie aux autres
trois et s'y tient caché. On en a une preuve visible avec le feu qui ne peut et
ne sait brûler sans l'air : il est la plus haute force du feu, car plus il y a
d'air ou de vent dans le feu, plus il brûle fort, avec plus de chaleur et de
puissance. Et de même que l'air ou le vent se chauffent dans le feu, en dehors
ils se refroidissent.
Le feu aussi est la vie. Et de même que
sans air il étouffe, ainsi aussi l'homme et toute créature vivante qui manquent
d'air — qui ne peuvent respirer — doivent étouffer. Ainsi, rien ne peut vivre
sans l'air et tout ce qui a de l'air en soi contient aussi la vie. Et tout
comme un homme, avec son air, c'est-à-dire son souffle, peut souffler une
bougie et l'éteindre, de même aussi le feu, l'eau et la terre, semblablement à
l'homme. Car ils ont aussi un souffle caché en eux, cela se prouve de manière
visible. En effet, si tu tiens une bougie allumée au-dessus d'un feu, alors
elle s'éteint; au-dessus d'une eau qui coule, elle s'éteint aussi. Même chose
au-dessus d'une terre qu'on vient de bêcher. Mais ceux-là ne peuvent éteindre
aussi loin que l'homme avec son souffle, car le souffle est son esprit, et son
esprit, il peut l'envoyer magiquement au-delà de cent lieues en sorte qu'il achève
tout ce que l'homme lui-même voudrait achever et accomplir. Et un tel message
court aussi vite que le vent souffle d'un endroit à l'autre, ou que la flèche
tirée de la corde [d'un arc] ou la balle de l'arquebuse. Aussi véloces et
prompts sont les esprits avec leur message et l'exécution [d'un ordre]; de
cela, il sera parlé ailleurs.
Théophraste BOMBAST von Honhenheim
Ermite souabe
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant