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L'occultisme ne s'épanouit vraiment que lorsqu'il est soumis au Divin. La Mère

La triple immortalité



A propos de la survivance de l'âme après la mort et de la subsistance des vies passées de renaissance en renaissance Sri Aurobindo explique que ce processus est régie par la loi du Karma, l'action. Le karma ou action de cette vie s'épuise par la vie dans un monde au-delà, où ses conséquences s'accomplissent, puis l'âme retourne sur terre pour un nouveau karma. La cause de la naissance dans ce monde, du karma, du passage de l'âme à l'existence en d'autres mondes et de son retour ici est, du début à la fin, la conscience, la volonté et le désir de l'âme elle-même.

"Cette conception de la Personne et de la Personnalité, si nous l'acceptons, doit dès lors modifier nos idées courantes sur l'immortalité de l'âme; car normalement, quand nous affirmons que l'âme ne meurt pas, nous voulons dire que survit après la mort une personnalité définie et immuable qui était et restera toujours la même pour l'éternité. C'est pour le « je » très imparfait et superficiel du moment, considéré évidemment par la Nature comme une forme temporaire qui ne vaut pas la peine d'être conservée, que nous exigeons ce droit prodigieux à la survie et à l'immortalité. Mais cette exigence est extravagante et ne peut être satisfaite : la survie du « je » du moment ne peut être admise, que s'il consent à changer, à ne plus être lui-même mais un autre, plus grand, meilleur, plus lumineux en connaissance, se modelant davantage sur l'image de la beauté intérieure éternelle, progressant de plus en plus vers la divinité de l'Esprit secret. C'est cet esprit secret, cette divinité du Moi en nous qui ne périt point, parce qu'elle est non-née et éternelle. L'entité psychique au-dedans qui la représente, l'individu spirituel en nous est la Personne que nous sommes; mais le « je » du moment, le « je » de cette vie-ci n'est qu'une formation, une personnalité temporaire de cette Personne intérieure, c'est l'une des, nombreuses étapes de notre changement dans l'évolution, et elle ne sert son dessein véritable que quand nous la dépassons pour aller vers une étape ultérieure qui nous rapproche d'un plus, haut degré de conscience et d'existence. C'est la Personne intérieure qui survit à la mort tout comme elle préexiste à la naissance; car cette survie constante est une traduction, en termes de Temps, de l'éternité de notre Esprit intemporel.
 Ce que nous exigeons normalement, c'est une survie similaire de notre mental, de notre vie et même de notre corps : le dogme de la résurrection du corps témoigne de cette dernière exigence qui a été aussi à l'origine de l'effort de l'homme, à travers les âges, pour découvrir l'élixir d'immortalité ou des moyens magiques, alchimiques ou scientifiques de vaincre physiquement la mort du corps. Mais cette aspiration ne pourrait se réaliser que si le mental, la vie ou le corps pouvaient revêtir une part de l'immortalité et de la divinité de l'Esprit qui demeure au-dedans. Dans certaines circonstances, la survie de la personnalité mentale extérieure qui représente le Pourousha mental intérieur serait peut-être possible. Elle pourrait se produire si notre être mental venait à être si puissamment individualisé à la surface, si uni au mental intérieur et au Pourousha intérieur et, en même temps, si souplement ouvert à l'action progressive de l'Infini que l'âme n'aurait plus besoin de dissoudre l'ancienne forme du mental et d'en créer une nouvelle pour progresser. Seules une individualisation, une intégration et une ouverture similaires de l'être vital à la surface rendraient possible une survie similaire de la partie vitale en nous, de la personnalité vitale extérieure qui représente l'être vital intérieur, le Pourousha vital. Ce qui arriverait en réalité, c'est que le mur entre le moi intérieur et l'homme extérieur serait abattu et l'être mental et vital permanent, représentant mental et vital de l'entité psychique immortelle, gouvernerait la vie au dedans. Notre nature mentale et notre nature vitale pourraient alors être une expression progressive continue de l'âme et non un lien entre des formations successives dont l'essence seule est conservée Notre personnalité mentale et notre personnalité vitale subsisteraient alors sans dissolution de naissance en naissance; elles seraient alors, en ce sens, immortelles, survivraient en permanence, continues dans le sens de leur identité. Ce serait évidemment une immense victoire de l'âme, du mental et de la vie sur l'Inconscience et les limitations de la Nature matérielle.,
Mais une telle survie ne pourrait durer que dans le corps subtil; l'être devrait encore se défaire de sa forme physique, passer dans d'autres mondes et, à son retour, revêtir un nouveau corps. Le Pourousha mental et le Pourousha vital éveillés, conservant l'enveloppe mentale et l'enveloppe vitale du corps subtil qui sont habituellement abandonnées, retourneraient avec elles dans une nouvelle vie et conserveraient le sens vif et soutenu d'un être mental et vital permanent constitué par le passé et continuant dans le présent et l'avenir; mais la base de l'existence physique, le corps matériel ne pourrait être conservé même par ce changement. L'être physique ne pourrait durer que si, par certains moyens, ses causes physiques de déclin et de désintégration pouvaient être surmontées et qu'en même temps il pouvait être rendu assez souple et progressif dans sa structure et son fonctionnement pour pouvoir répondre à chaque changement exigé de lui par le progrès de la Personne intérieure; il devait être capable de marcher du même pas que l'âme dans la formation de la personnalité qu'il exprime, dans le long déploiement d'une divinité spirituelle secrète et dans la lente transformation du mental en divine existence mentale ou spirituelle. Cet accomplissement d'une triple immortalité : immortalité de la nature complétant l'immortalité essentielle de l'Esprit et la survie psychique à la mort, pourrait bien être le couronnement de la renaissance et une indication capitale de la conquête de l'Inconscience et de l'Ignorance matérielle jusque dans les fondations mêmes du règne de la Matière. Mais la véritable immortalité serait malgré tout l'éternité de l'Esprit : la survie physique ne pourrait être que relative, interrompue à volonté, signe temporel de la victoire de l'Esprit ici-bas sur la Mort et la Matière.

Même si la science — physique ou occulte — parvenait à découvrir les conditions ou les moyens nécessaires à une survie indéfinie du corps, mais que par ailleurs le corps ne pouvait s'adapter suffisamment pour devenir un instrument d'expression approprié de la croissance intérieure, l'âme trouverait une manière de l'abandonner et de passer à une nouvelle incarnation. Les causes matérielles ou physiques de la mort ne sont ni sa vraie ni sa seule raison d'être : sa vraie cause intrinsèque est qu'elle est spirituellement nécessaire à l'évolution d'un être nouveau."

Sri Aurobindo, La Vie Divine, Chapitre XXII: La renaissance et les autres mondes: le karma, l'âme et l'immortalité".