CINQUIÈME LIVRE DES
ARCHIDOXES
DE THÉOPHRASTE PARACELSE LE GRAND
CONCERNANT LES ARCANES
Nous voulons à présent détourner
notre attention des quintessences et, dès lors, nous disposer à écrire sur les
arcanes et comment une grande différence existe entre eux. Nous en savons
davantage sur les arcanes que sur le pouvoir des quintessences pour la simple
raison que l'expérience nous en a donné une indication et un effet puissants.
Grâce à cela nous reconnaissons ce qui est meilleur ou pire, utile ou moins
utile. Nous pouvons donc comparer et juger les remèdes.
Les anciens, ayant remarqué que
l'arcane était plus fort dans ses effets que la substance grossière et d'une nature
plus subtile, pensaient qu'il s'agissait d'une quintessence. Cette erreur ne
provenait pas de leur raisonnement, mais d'un manque d'expérience : ils ne
faisaient pas la différence entre les hauts degrés et prenaient chacun d'eux
pour une quintessence. Or cette différence n'apparaît pas tant dans la pratique
que dans l'effet du remède. Nous voulons donc savoir, en premier, avant que de
parler des arcanes, pourquoi on les nomme « arcanes », ce qu'ils sont, et
pourquoi ils ont un nom si excellent et si juste. En voici la raison : n'est un
arcane que ce qui est incorporel et immortel, possédant une vie éternelle et ne
pouvant être appréhendé par l'entendement humain. Ainsi se présentent les
arcanes qui, contrairement à nous, sont incorporels. Leur nature surpasse
grandement la nôtre, comme le blanc est totalement différent du noir. Ils
peuvent nous transformer, nous rénover, nous restaurer, comme l'arcane de Dieu
après son Jugement (1). Et bien que l'éternité ne soit pas dans nos arcanes et
qu'eux-mêmes ne soient pas comme une symphonie céleste, nous devons cependant
les compter comme tels parce qu'ils conservent notre corps et font
merveilleusement sentir leurs effets en nous, au-delà de ce que la raison
pourrait en dire. Dans la médecine, le mot « arcane » doit être compté par
rapport à nos corps, et il faut de même compter les arcanes de Dieu par rapport
à nos arcanes. Nous ne craignons pas d'écrire qu'un arcane est plus grand et
plus puissant que nous et qu'il a le pouvoir de prolonger notre vie. Ce que
font tous les arcanes. Dès lors, nous ne voulons pas nous soucier du bavardage
inutile des valets idolâtres à propos desquels nous pensons qu'ils n'ont pas
plus d'entendement qu'un aveugle n'a la possibilité de voir.
À présent, il existe un arcane de
Dieu, d'une nature particulière. Puis il y a l'arcane de la nature. L'arcane, c'est toutes les vertus des
choses avec un rétablissement mille fois plus grand. Et c'est toujours sans
crainte que nous pouvons dire que l'arcane de l'homme conserve pour l'éternité
tout son mérite et toute sa vertu, ainsi que nous l'écrivons dans un autre
livre des Archidoxes. C'est pourquoi l'arcane doit être entendu de deux façons
: l'une perpétuelle, l'autre quasi perpétuelle. Et ce qui est quasi perpétuel,
nous l'entendons comme ce qui est perpétuel, suivant notre estimation et sa
prédestination. Ces arcanes, dont quatre seulement nous sont connus depuis les
jours de notre enfance, nous voulons en rassasier ce livre et en faire un
Mémoire suffisamment louable si toutefois le Très-Haut nous accorde de parvenir
à un âge avancé. Nous ne les oublierons pas ni ne les laisserons échapper de
notre tête afin que dans notre vieillesse nous puissions goûter repos et
tranquillité sans connaître le doute, dans l'espérance de Dieu, lui qui a
daigné revêtir notre nature humaine.
Dans cet espoir, nous allons
commencer d'enseigner la différence qui existe entre les quatre arcanes et ce
que sont le travail, l'art et la vertu. Pour cela, il nous appartient de
connaître que sont leurs vertus en dernier lieu. Ainsi : ils conservent corps
en bonne santé, chassent les maladies, soulagent les âmes préservent de tout ce
qui est malsain et conduisent le corps à sa mort prédestinée comme nous l'avons
établi dans notre traité sur la vie et la mort. À présent que d'une manière
générale nous avons rendu compte de leurs vertus ci précisé ce qu'était leur
nature à tous quatre, il faut ajouter qu'il existe pourtant entre eux une
grande différence. Sachez donc qu'aucun arcane ne travaille de la même manière
qu'un autre pour apporter ses vertus. Chacun, au contraire, a sa conduite
particulière. La Première Matière est le premier arcane. Puis vient la Pierre
Philosophale. En troisième le Mercure de Vie. En quatrième la Teinture, ainsi
que nous allons l'indiquer dans l'ordre et selon la pratique qui leur
appartient.
En premier donc, la Première
Matière. Sachez d'elle qu'elle accomplit sa prédestination du début à la fin
(2). Ce pour quoi elle est prédestinée dès son origine et jusqu'à son terme.
Une graine produit une plante avec toutes ses vertus nouvelles en consumant
toute son ancienne essence, c'est-à-dire son ancienne substance, son ancienne
nature, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'effet. Ainsi en est-il de la Première
Matière. Nous nous développons d'une semence, comme tout ce qui croît dans les
champs et selon le processus de la croissance. Ceci nous indique que la Première Matière introduit
en l'homme une nouvelle jeunesse en dévorant l'ancienne, comme se développe une
herbe nouvelle d'une nouvelle graine, dans un été nouveau et une nouvelle
année.
La Pierre Philosophale, qui est
le deuxième arcane, produit son effet d'une autre façon : à la façon dont le
feu nettoie la peau de la salamandre et la purifie comme si elle était née une
nouvelle fois. Ainsi la Pierre Philosophale purge-t-elle et purifie-t-elle le
corps entier de toutes ses ordures en y introduisant de jeunes forces qu'elle
unit à sa nature.
Le Mercure de Vie, qui est le
troisième arcane, agit ainsi :même que l'alcyon mue et se pare de plumes
nouvelles à saison, il débarrasse l'homme des ongles, de la peau, des cheveux
et de tout ce qui est usé (3). Il fait croître à nouveau tout ce1a et
renouvelle l'ancien corps, comme cela se passe avec alcyon.
La Teinture, qui occupe la quatrième
place parmi les arcanes, présente les mêmes effets que le « rebis » qui produit
l'or à partir de l'argent et des autres métaux. La Teinture teint donc le corps
de la même manière. Elle le libère de sa mauvaise teinture, de sa maladresse,
de sa grossièreté qu'elle transforme en quelque chose de plus pur, de plus
noble, de plus durable.
Comment, dès lors, nous éloigner
de la noble médecine et plus encore de la Philosophie, et cela d'autant plus
que nous en apercevons les possibilités qui seules nous donnent confiance ? Car
nous ne sommes pas habitués à croire, ou étudier, ou suivre ce que l'expérience
et une authentique pratique ne peuvent nous démontrer. Ce qui se trouve dans
nos arcanes, nous le comparons à Jésus-Christ en qui nous ne croirions pas si,
lorsqu'il était en croix, le soleil et la lune ne l'avaient pris en pitié en
perdant leur lumière, si le sol n'avait été secoué comme par un tremblement de
terre et si des signes n'étaient apparus à sa naissance. Mais ce qui a été vu
et su nous donne clairement à entendre que c'est lui qui est Dieu et qu'il a
pris notre nature humaine.
Nous pouvons en dire autant des
arcanes qui nous contraignent à croire en eux, afin que nous ne nous en
détournions pas jusqu'à notre mort. C'est pourquoi nous voulons présenter la
pratique et l'élaboration de ces quatre arcanes de façon à ce que nulle erreur
ne nous vienne à l'esprit et que nous nous réjouissions et espérions d'elles,
comme se réjouit et espère notre arcane éternel en sa vie éternelle.
(1). Allusion au corps glorieux
que doit revêtir l'humanité après le Jugement dernier.
(2). Laquelle fin n'est autre que
la Matière Ultime, ce vers quoi s'avance et tend tout ce qui est créé.
(3). Paracelse dit « impur ». En
fait, tout ce qui a trop poussé et doit être renouvelé.
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant
Les sept livres de l'Archidoxe magique
ARCHIDOXES DE THÉOPHRASTE
Neuf livres sur les mystères de la nature
par
Théophraste BOMBAST von Honhenheim
Ermite souabe dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant
Les sept livres de l'Archidoxe magique