C'est Satprem dans ses
ouvrages qui me fit m'intéresser à l’œuvre de Giordano Bruno, dit le Nolain.
Philosophe, prêtre dominicain, penseur révolutionnaire en son temps, cet auteur
du 15e siècle a été brulé
vif par l'église pour avoir défendu sa thèse selon laquelle il développe la théorie de
l'héliocentrisme et montre la pluralité des mondes et d'un univers infini.
« Nous affirmons qu'il existe une infinité de terres, une infinité de soleils
et un éther infini. » Il apporte aussi la preuve de la relativité du
mouvement ouvrant ainsi la voie aux travaux de Galilée. G. Bruno a rencontré
Giordano Crispo, maître en métaphysique, dont il adopte le prénom en guise
d'hommage. Il figure parmi les philosophes attitrés à la cour d'Henri III.
Giordano Bruno était un avant-gardiste dans de nombreux domaines: en astronomie,
physique et philosophie et s'intéresse également aux sciences hermétiques tel
que l'astrologie, l'occultisme et la magie, à laquelle a consacrée son
ouvrage De vinculis in genere en 1591. Il s'intéresse à l'alchimie comme en témoigne son ouvrage De la Magie.
Notons à ce propos la très intéressante
étude par Hélène Védrine "Alchimie, Hermétisme et philosophie chez Giordano Bruno" dans Alchimie et philosophie à
la Renaissance: actes du colloque international de Tours, 4-7 décembre 1991, évoquant la Transmutation alchimique du point de vue ontologico-cosmologique. "Quelques textes de Bruno parlent spécialement de l'alchimie,
aussi bien dans les œuvres en langue italienne que dans les écrits en langue
latine. En général, l'auteur fait preuve d'un certain scepticisme, non que l'alchimie
soit condamnée en tant que telle, mais elle est plutôt marginalisée parce que son «
inefficacité » vient de son ignorance des véritables principes de la philosophie, entendez
la Nolana filosofia."
Frances
Yates a consacré un ouvrage entier sur l'intérêt que portait Giordano Bruno envers
l'Hermétisme: Giordano Bruno et la Tradition Hermétique.
Frances Yates y énumère les auteurs relevants de "l'hermétisme religieux" au XVIe s. : Lefèvre d'Etaples,
Symphorien Champier, Turnebus, François de Foix de Candale, Jacques Gohorry,
Pontus de Tyard, Philippe Du Plessis Mornay, Hannibal Rosseli, Francesco
Patrizi, Giordano Bruno, Thomas More, John Colet. L'ouvrage de Ficin est
traduit en français en 1574, avec commentaires, par François Foix de Candale
sous le titre Le Pimandre de Mercure trismégiste. L'hermétisme italien
se développe avec Marsile Ficin, J. Pic de la Mirandole, G. Bruno, F. Patrizi
(1591), H. Rosseli. En 1488 une mosaïque de Giovanni di Stefano, à la
cathédrale de Sienne, représente Hermès Trismégiste face à Moïse et aux côtés
de la Sibylle. L'hermétisme se fait français avec Lefèvre d'Étaples en 1494-1505,
Symphorien Champion en 1507, Jacques Gohory, Du Plessis-Mornay en 1582. Le
philosophe Francesco Patrizi demande au pape d'enseigner l'hermétisme dans les
écoles chrétiennes (Nova de universis philosophia, 1591). Rodolphe II de
Habsbourg, empereur de 1576 à 1612, fut surnommé "le nouvel Hermès
Trismégiste", tant il était féru d'hermétisme, d'alchimie. : il fit
venir à sa cour, à Prague, John Dee, Michael Maier, Oswald Croll, Heinrich
Khunrath, Giordano Bruno, il réunit des collections d'objets dans un but magique.
Nous voyons donc, au nombre d'apparitions de Giordano Bruno dans les cercles hermétiques,
de l'importance de se pencher sur son œuvre, qui plus est couvre des sujets
très aboutis en philosophie et astronomie.
Bref Giordano Bruno est un auteur à ne manquer sur aucun point, écrivant dans un style vif et vivant, d'une perspicacité incomparable.
Bref Giordano Bruno est un auteur à ne manquer sur aucun point, écrivant dans un style vif et vivant, d'une perspicacité incomparable.
Alchimie et philosophie à la Renaissance: actes du
colloque international de Tours, 4-7 décembre 1991
Jean-Claude Margolin, Sylvain Matton
Si les alchimistes se désignaient
eux-mêmes sous le nom de philosophes , cette qualité leur fut déniée des le
Moyen-Age par bien des représentants plus officiels de la philosophie .
Aujourd'hui, l'importance des doctrines alchimiques dans l'histoire des idées
n'est plus guère contestée. Pourtant, les rapports entre la philosophie hermétique
ou chymique et la philosophie au sens habituel restent mal étudies. C'est afin
d'apporter des éléments de réponse a cette question que s'est tenu le colloque
dont ce volume constitue les Actes. L'originalité des contributions est de présenter
l'alchimie de la Renaissance (XVe -XVIIe siècles) non comme un tout cohérent,
donne une fois pour toutes dans la dimension anhistorique d'une secrète science
, mais comme un corpus théorique traverse par une multiplicité de tendances.
par
Hélène Védrine
[...]
Transmutations et alchimie du point de vue ontologico-cosmologique
[...]
Selon Bruno les alchimistes
n'ont pas saisi la nature et n'ont pas compris son essence à la fois diverse et
une. Et de reprendre la vieille métaphore du tronc et des rameaux qui permet d'expliquer
analogiquement le renouvellement du système, l'unité de la chaîne des vivants,
la complexité du divers, la prédominance de tel où tel spiritus. Production et échange caractérisent la vie de l'univers.
Mais c'est en jouant sur les surdéterminations qu'on pourrait pratiquer une
alchimie efficace. C'est parce que les flux sont sélectifs que la possibilité
théorique de faire de l'or peut être imaginée. Et voilà le moyen de s'enrichir:
«Nous, au contraire, nous retenons que cet esprit unique est une sorte de
rigole (elixer) commune à ces quatre
genres.
[...]
Magie et alchimie
Dans les dernières œuvres, le lien entre la
réflexion magique et la réflexion politique devient de plus en plus évident.
Les techniques du faire croire, l'art de la persuasion dominent le De magia ou le De vinculis: «Seul sait lier celui qui pénètre la raison de toute
chose, ou du moins, la nature, la disposition [...] et l'utilité de la chose
qui doit être liée ». Comme l'a bien montré Ciliberto, dans le Spaccio, la référence à la religion des
Égyptiens retrouve une problématique proche de celle de Machiavel. alors que
dans les dernières œuvres, il ne s'agit plus seulement de religion civile, mais
d'une théorie universelle des rapports entre le politique et la magie.
L'exposé des divers types de vincula a parfois une saveur spinoziste.
Il s'agit d'isoler les affects et de les classer suivant leur puissance
respective pour arriver à combiner les forces selon les vibrations maximales.
Encore une fois, c'est une théorie de la circulation et de la transmutation. Un
découpage des vincula suppose qu'un
échange inégal régit les rapports entre les hommes. Séduire, c'est utiliser
cette inégalité à son profit. Marquer tous les rapports sociaux par le jeu des
excès et des substitutions. Structuraliste sans le savoir, le mage fonde son
pouvoir sur la circulation des échanges. Dans le flux des différences, il
impose la dynamique de son conatus.
Celui qui veut séduire les esprits doit savoir utiliser la diversité des complexions
et doit comprendre qu'on n'agit pas de la mémo manière sur un héros ou sur un
esprit vulgaire. Art tout en subtilité du maniement des hommes.
[...]