En ce qui concerne la Pierre Philosophale, bien que nous
n'en soyons ni au début ni à la fin, ni ne soyons expert en la matière, nous
aimerions en parler selon ce que nous avons vu et entendu. Nous ne sommes pas
en effet un véritable connaisseur. Pour cette raison, nous suivrons notre
méthode personnelle, celle que nous avons acquise par notre propre expérience.
C'est pourquoi nous appelons Pierre Philosophale ce qui teint le corps humain,
comme les alchimistes l'écrivent dans leurs livres. Ce n'est cependant pas pour
autant que nous suivons le même processus, lequel nous n'entendons que fort
peu. Laissons donc ici ce processus et son effet. Nous en avons en effet
discuté au début de cet essai, expliquant comment il agissait. Mais il faut
retenir que la Pierre Philosophale traverse le corps tout entier et s'y
infiltre. De ce fait, elle restaure et renouvelle le corps, à l'instar de la Première
Matière: Non qu'elle enlève le vieux corps et qu'elle le remplace par un
nouveau ou que, à l'image encore de la Première Matière, elle lui infuse son
arcane spermatique, mais elle nettoie et purifie ce qui est vieux tout comme
est nettoyée la peau de la salamandre sans que celle-ci subisse le moindre
dommage ni ne se décompose — et l'ancienne peau reste en sa nature et sa forme.
Ainsi en est-il de la Pierre Philosophale. Elle purifie le
cœur et les organes essentiels, même les artères et la moelle et tout ce qui
s'y trouve, afin qu'aucune impureté n'y soit laissée. Elle repousse la goutte,
l'hydropisie, l'ictère, les tranchées, le ventre et toutes les indispositions
produites par les quatre humeurs comme si l'on était au premier jour de la
naissance. Tout ce qui gâte la nature recule devant elle. Et, comme les vers
fuient le feu, les maladies s'évanouissent devant ce renouvellement.
Cette Pierre Philosophale possède des pouvoirs d'une telle
puissance qu'elle expulse de nombreuses et étonnantes maladies. Non par sa
complexion ou sa force spécifique, non par ses propriétés ou quelque qualité
accidentelle, mais par les effets d'une pratique subtile. Et cette pratique est
élaborée par les préparations, les réverbérations, les sublimations, les
digestions, les séparations, les distillations, puis par toutes sortes de
réductions et de résolutions qui toutes mènent la Pierre à un maximum de force
et d'acuité. Non qu'elle les ait possédées dès le début, mais elles lui sont
données. Comme le miel que ses distillations rendent plus mordant que
l'eau-forte, que les corrosifs ou que les sublimés. Cette propriété ne lui
vient pas de sa nature mais des distillations qui le transforment en corrosif.
Il faut en outre savoir qu'à ceux qui utilisent de tels
arcanes, des enfants sont nés qui jouissent ensuite d'une si belle santé
qu'aucune maladie ne peut se développer dans leur corps ; leur nature et leur
complexion sont si subtiles et si pures qu'il n'est pas possible d'en
rencontrer de plus nobles. Pareil remède conserve et purge le corps de l'homme
parfaitement et le conduit à une vie indestructible. Avec lui, il est
impossible qu'il soit souillé, ni lui ni ceux qui viennent après lui. Il vit au
contraire dans une excellence sans égale, lui et ses descendants jusqu'à la dixième
génération.
La Pierre des Philosophes* ne transmute pas qu'une seule
substance, mais une autre et d'autres encore, et toujours plus, comme une
lumière en enflamme une seconde et cette seconde une troisième. On doit le
comprendre ainsi de cette Pierre en ce qui concerne la santé, à l'image d'un
bon arbre d'où naissent de bonnes graines et de bons rameaux, et d'eux à
nouveau de Ions arbres. Et le pouvoir de la Pierre est si étrangement et si
merveilleusement exalté qu'on n'arrive pas à concevoir comment il pourrait se
produire naturellement. S'il n'y avait pas de signes pour les manifester de
façon visible, on ne pourrait croire que les forces divines puissent réaliser
de telles choses. Ainsi, la vertu de la Pierre passe de génération en génération,
liée à elles, sans s'altérer, comme la grâce de Dieu se tient en un seul corps,
y est prise et donnée aux autres selon leurs mérites.
Voici maintenant notre processus pour obtenir la Pierre Philosophale
: prends l'élément du mercure et sépare le pur de l'impur. Laisse cela au
réverbère jusqu'au blanchiment et sublime au sel d'ammoniaque jusqu'à
dissolution. Calcine et dissous à nouveau. Place tout cela dans un pélican et
laisse à la digestion pendant un mois. Puis coagule en un corps. Ce dernier
[qui n'est autre que la Pierre] ne brûle pas et n'est consumé en aucune manière
; il ne se décompose pas non plus. Les corps qu'il pénètre restent permanents,
ne peuvent être réduits ni altérés. Il ôte à tous les corps sensibles et
insensibles tout ce qui amoindrit, comme nous l'avons déjà dit. Et bien que
nous en ayons débattu brièvement, ce n'en est pas moins un travail de longue
durée, avec de nombreuses éventualités, et qui requiert un travailleur
infatigable, expérimenté et appliqué.
* Le nom de Philosophe est toujours appliqué à celui qui
interroge et étudie la nature dans sa manifestation visible et invisible. La
Philosophie est la science de la nature et n'a que fort peu de rapport avec
l'entreprise qui porte ce nom depuis les temps modernes.
ARCHIDOXES DE THÉOPHRASTE
Neuf livres sur les mystères de la nature
par
Théophraste BOMBAST von Honhenheim
Ermite souabe
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant