Méditation, introspection, expérimentation, étude des textes sont les piliers de la quête alchimique. L'on voit dans la maxime bien connue du Mutus Liber que la lecture des textes légués par les alchimistes est pour une part importante du processus de la recherche. Cela permet une imprégnation, une assimilation et une réflexion qui enrichit l'introspection et l'expérimentation. Aucune forme d'alchimie ne peut s'affranchir de cet adage. La méditation, que l'on peut associer avec la prière, permet de garder un équilibre intérieur et d’éclairer le chemin par les lueurs de l'inspiration, le développement de l'intuition et ouvrir les possibilités de révélations. Pourquoi cette insistance sur la lecture? Tout alchimiste a pu s'apercevoir que lorsque l'on commence à entrer dans la sphère de la transmission alchimique, lorsque l'on comme à s'immerger dans les ouvrages traitant de l'alchimie, s'effectue une imprégnation énergétique au-delà de la simple lecture intellectuelle, ainsi qu'une mise en résonance psychique avec les textes et leurs auteurs. Nous entrons véritablement en contact avec l'égrégore des alchimistes et de l'alchimie, car il existe une véritable égrégore, une sphère consciente de la lignée de tous les chercheurs en alchimie. Et quelle que soit la forme d'alchimie pratiquée, cette mise en résonance s'effectue de fait pour toute démarche engagée et sincère dans cette quête. À mesure que les textes s'ouvrent à nous, ils s'ouvrent en nous. À mesure que l'on découvre leur contenu, que l'on réfléchit sur leur connaissance, cette vérité de la mise en connexion avec la lignée de la transmission alchimique devient un fait de plus en plus probant et peut occasionner une forte pression sur le psychique qu'il faut savoir maîtriser. L'introspection par la méditation, l'aspiration par la prière, l'expérimentation par la mise en pratique, que ce soit au niveau interne et externe de l'alchimie, tous ces procédés sont les garants d'un juste équilibre et d'une optimisation des résultats de la quête.
Dans son préambule de présentation à l'ouvrage de Josane Charpentier "La France des lieux et des demeures alchimiques", Eugène Canseliet explique que :
"En alchimie, c'est-à-dire dans l'art qui est excellemment philosophique, la livresque spéculation garde son grand rôle que le Livre muet - Mutus Liber - signale, non sans esprit, lui qui, dépourvu de paroles, prononce néanmoins l'impératif conseil fréquemment répété:
LEGE, LEGE, LEGE, RELEGE, ORA, LABORA ET INVENIES
Lis, Lis, Lis,
Relis, Prie, travaille et tu trouveras.
La pratique, en
effet, ne saurait être sans l'étude et la méditation, pour la raison que toute
opération ne peut être tentée, avec un peu de chance, qu'on ne s'en soit fait,
à priori, l'idée nette et satisfaisante."
La prière ORA, évoque aussi l'idée de la parole, donc de l’incantation, de la formulation, de l'expression du pouvoir du verbe créateur. La prière ou le mantra, la formule magique, sont donc tous ces moyens auxquels ORA nous invite, incarnations du verbe divin.
LABORA formée de LAB- et ORA, LABORA invite au labeur, du même sens que le travail de la terre par le labour, analogie avec l'agriculture qu'utilise traditionnellement le langage alchimique. Traduit généralement par travail, LABORA se rapproche davantage de l'étymologie ŒUVRER, tandis que travail vient du latin tripalum, instrument de torture au Moyen-Age. Oeuvrer serait donc plus approprié, plus juste, plus proche de l'activité du GRAND ŒUVRE. Œuvrer et ouvrir sont aussi conjointement évocateurs de cette idée que dans la recherche spirituelle que constitue l'alchimie, on ouvre la matière en soi et autour de soi pour en déceler les secrets et, on s'ouvre à cette dimension spirituelle de la quête pour accéder à la connaissance et à la sagesse.(Sources étymologiques de l'oeuvre)
LAB- renvoie à la même racine utilisée dans le mot LABORATOIRE, lui-même constitué de ORA, avec l'idée d'oratoire, du lieu d'expression du Verbe divin, de la parole sacrée. Le LABORATOIRE alchimique est donc ce lieu qui réunit ORA et LABORA.
LEGE, le verbe lire évoque la lecture, contient en soi une évocation de l'idée de transmission par la similitude avec le mot LEGUE, léguer. La transmission, le lègue du savoir, de la sapientia, de la connaissance et de la sagesse, s'effectue par cette étude des textes transmis au cours des âges par les alchimistes. Cette lecture LEGE est donc ce qui nous relis, RELEGE aux alchimistes de tout temps ayant œuvré pour l'Art Royal.
RELEGE, relire, mais aussi relier. Se relier par la lecture aux alchimistes, à la sphère alchimique, à la transmission spirituelle de toute la quête alchimique par l'intermédiaire de la mise en relation avec ses maîtres et adeptes qui ont transmis dans leurs ouvrages ce corpus commun de la quête alchimique. LEGE , lire, devient le moyen, à force de répétition, RE-LEGE, de se relier intimement à l'essence de l'alchimie par la lecture des ses textes. La mise en rapport avec l'égrégore alchimique devient opérative et renforce par-là même cette égrégore qui est la force spirituelle avec laquelle l’adepte sincère se mettre en rapport, peut ressentir et contacter dans sa quête, s'y relier pour trouver une guidance intérieure dans sa recherche et les lumières qui l'éclairerons d'une connaissance toujours plus grande.
INVENIES, trouver, inventer. Mot latin que l'on peut décomposer en deux parties: le préfixe IN- , intérieur, au-dedans, et VENIES, évoquant le verbe venir, ce qui vient. INVENIES c'est donc ce qui vient de l'intérieur. C'est le véritable sens de la quête et de son aboutissement. L'invention authentique se révèle en soi par l'expérience du travail, de l'oraison, de la lecture et de l'apprentissage continue par la relecture. Toute cette mise au travail effectué permet l'émergence d'une connaissance intérieure nouvelle aboutissant à de nouvelles révélations, de nouvelles connaissances qui sont trouvées en soi, de l'intérieur.