Décrivons maintenant l'arcane du Mercure de Vie dont la
vertu dépasse les trois autres*. Cette vertu ne vient pourtant ni du travail
ni de l'art, mais du Mercure de Vie lui-même. Et nous ne connaissons rien
d'autre qui puisse lui ressembler. Sa nature et ses propriétés sont innées.
Elles ne proviennent pas de la quintessence ou des éléments, mais des qualités
spécifiques de sa prédestination. Il n'a pas seulement le pouvoir de transformer
l'homme et autres êtres sensibles, mais aussi celui de renouveler l'essence des
métaux et des plantes. Il réduit de la sorte le fer en sa Première Matière et
le conduit à sa Matière Ultime dont on peut l'extraire à nouveau, rajeuni et
parfait. Même chose avec l'or qu'il rajeunit aussi à son premier mercure et à
sa première teinture, puis à nouveau le digère, en sorte qu'il redevient un
métal, comme avant. Et ce qu'il accomplit avec les métaux, il le fait aussi
avec les autres corps. Avec les plantes, par exemple : si on en arrose les
racines, elles fleurissent encore une fois et redonnent des fruits. Et si les
premières graines sont tombées, on utilise le Mercure de Vie, elles croissent
alors, fleurissent elles aussi une seconde fois et portent une autre récolte
sans tenir compte de la saison. Même chose avec les animaux, les hommes et
autres. Appliqué sur les organes d'un corps usé, il les rénove tous et leur
rend leurs forces perdues. Par exemple, les menstrues réapparaissent chez les
vieilles femmes et se manifestent comme chez les jeunes. Leur nature redevient
parfaite comme elle l'est chez les jeunes. En outre, il faut savoir du Mercure
de Vie que son pouvoir, dans sa forme spécifique, est tel qu'il peut séparer ce
qui est vieux de ce qui est jeune, et augmenter le jeune. On constate alors que
la jeunesse et la vigueur ne faiblissent pas chez les vieux mais qu'au
contraire elle y demeure, comme chez les jeunes. Cependant, la corruption qui
se développe avec la jeunesse devient parfois si puissante qu'elle lui prend
son courage et sa force : ainsi reconnaît-on le vieil âge. Mais si cette
corruption est séparée de la jeunesse, celle-ci se retrouve alors sans
obstacle. Il faut le comprendre de la manière suivante : quand un corps se
putréfie, la quintessence n'est pas pour autant pourrie mais au contraire
Fraîche et non consumée. Elle se sépare alors du cadavre, dans l'air ou dans la
terre, ou dans l'eau suivant l'endroit où le cadavre se trouve. Car il n'existe
pas de corruption dans les quintessences, et c'est une grande merveille, comme
nous l'enseignons dans notre traité sur la corruption et l'éternité. Ainsi, une
rose qui pourrit dans du fumier conserve sa quintessence en elle ou dans le
fumier. Et bien que tout sente mauvais et pourrisse pendant la séparation du
pur et de l'impur, la quintessence est vivante, sans aucune souillure, alors
que le corps n'est qu'un cadavre décomposé et puant. Nous disons donc du
Mercure de Vie qu'il sépare la corruption comme on le fait de la partie
vermoulue d'un morceau de bois. Dans l'homme, il agit de même. Si la corruption
est séparée, la quintessence s'active à nouveau et vit comme dans sa jeunesse.
On doit comprendre que le Mercure de Vie ne crée pas une nouvelle quintessence,
comme on pourrait le dire d'après notre opinion et notre expérience, mais
l'essence et l'esprit de jeunesse en quoi s'origine la jeune force restent
intacts bien que contenus et considérés comme morts. Pour cette raison, le
Mercure de Vie retire l'impur. Et la jeune vie, qui a remplacé l'ancienne, vit
à nouveau avec toutes ses forces, comme avant, ainsi que nous l'avons signalé à
propos de l'alcyon qui fait peau neuve et se rénove après sa mort parce que sa
quintessence ne quitte pas sa demeure. De la même façon, si la pourriture
brise sa demeure, la quintessence se transforme en cela en quoi elle se trouve.
C'est pourquoi on rencontre parfois des formes étranges dans les plantes et
cela ne vient pas de leur nature mais du hasard, comme nous le décrivons dans
notre De generationibus. Il faut l'entendre ainsi : dans le fumier, il y a
toutes sortes de pourritures provenant d'un grand nombre de choses, herbes,
racines, fruits, eaux, etc. D'un bon fumier dépend la qualité des champs, s'ils
seront gras et fertiles. Or ce n'est pas la pourriture qui cause cela, mais la
quintessence qui s'y trouve, qui pénètre dans les racines et donne force à la
plante. Quant au corps, c'est-à-dire le fumier, il se dissipe et retourne au
néant. Sa substance est dévorée. Touchant ce propos, les excréments humains
sont d'une grande vertu parce qu'en eux on dénombre beaucoup de substances
nobles qui proviennent de la nourriture et des boissons. À ce sujet, de grandes
merveilles sont à écrire. Sachez donc que le corps ne retient pas les essences
mais en prend seulement le nutriment, comme nous l'enseignons dans le De
nutrimentis.
Arrivons-en maintenant à l'utilisation du Mercure de Vie.
Comme nous l'avons déjà exprimé, il achève ses opérations de manière
merveilleuse. Il fait tomber les ongles des doigts et des orteils, pousse de
leur racine les cheveux gris et fortifie les jeunes en sorte que la corruption,
avec la vieillesse et les cheveux gris, ne se rencontre plus ni ne se voit
jusqu'à l'âge suivant. Nous voulons donc commencer avec la pratique et nous en
entretenir avec les alchimistes pour lesquels nous n'aurons pas à écrire
grand-chose ni à faire de longs sermons. Par contre, nous repousserons les
butors prétentieux et les insensés.
La méthode du Mercure de Vie est la
suivante : prends du mercure essentiel, sépare-le de toutes ses superfluités,
autrement dit, sépare le pur de l'impur. Après quoi, sublime avec de
l'antimoine afin que l'un et l'autre s'élèvent et s'unissent. Puis dissous sur
le marbre et coagule quatre fois. Tu as alors le Mercure de Vie tel que nous
l'avons indiqué et avec lequel nous nous réconforterons dans notre vieillesse !
* Les deux précédentes et celui qui suit, c'est-à-dire la
Teinture.
ARCHIDOXES DE THÉOPHRASTE
Neuf livres sur les mystères de la nature
par
Théophraste BOMBAST von Honhenheim
Ermite souabe
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant
dit Paracelse le Grand
Philosophe très-savant