Un
poème dont on peut remarquer l'évocation d'un thème alchimique chez le chef de fil du mouvement Parnasse:
"Vénus de Milo" tiré des Poèmes antiques de Leconte de Lisle.
Si mon berceau
flottant sur la Thétis antique,
Ne fut point caressé de son tiède cristal ;
Si je n’ai point prié sous le fronton attique,
Beauté victorieuse, à ton autel natal ;
Ne fut point caressé de son tiède cristal ;
Si je n’ai point prié sous le fronton attique,
Beauté victorieuse, à ton autel natal ;
Allume dans mon sein la sublime étincelle,
N’enferme point ma gloire au tombeau soucieux ;
Et fais que ma pensée en rythmes d’or ruisselle,
Comme un divin métal au moule harmonieux.
N’enferme point ma gloire au tombeau soucieux ;
Et fais que ma pensée en rythmes d’or ruisselle,
Comme un divin métal au moule harmonieux.
Thétis,
une divinité marine primordiale, évoque la mer des origines, l'eau source de
toute vie. L’évocation de la minéralité avec le cristal, puis du métal aurifère
évoquent différents états de la matière et de leur transformation sublimé en
une métaphore de la transformation de l'homme en état divin. Libéré de la
mortalité qu'évoque le tombeau. L'étincelle divine, l'atman, est l'énergie
motrice de cette transmutation alchimique.
Pour une interprétation
des mythes grecs en vertu de leur sens alchimique se référer à l'incomparable
et incontournable œuvre de Michael Maier Arcana
arcanissima, (Les Arcanes très
Secrets).
Concernant
l'inspiration de Leconte de Lisle dans sa poésie voici un éclairage de J.
Calvet, dans son Manuel illustré
d'histoire de la littérature française:
"À
l’antiquité grecque et à l’Inde, Leconte de Lisle ne demandait pas seulement
des mythes pour ses rêves et des images pour sa poésie : il y cherchait
aussi des idées. Voué au culte de la Beauté, il estime qu’elle n'a été aimée et
réalisée que par le paganisme grec et que le christianisme en a détruit le
culte. De là cette haine contre l’Église, les Papes et les Rois, dont il emprunte
l’expression, en l'amplifiant, à Victor Hugo et à Flaubert. Pour le monde
moderne, fermé au sens de la beauté, il n’a pas assez de sarcasmes. Ne trouvant
partout que déception et douleur, il va chercher dans l’Inde la philosophie
consolatrice : c’est le nirvana, l’écoulement et l’anéantissement de
l’être ; tout est vain, tout est illusion, même la vie, il n’y a qu’une
réalité, le calme du néant où la mort nous précipitera en nous guérissant de la
fièvre d'avoir été. La poésie est une distraction et elle nous prépare à
accepter et à souhaiter le néant."
Notons que
ce néant n'est pas l’anéantissement total, mais
l’anéantissent de la souffrance de la condition humaine ordinaire sur
terre en un état supérieur de conscience qui est l'aboutissement d'un certain dépassement de soi.
Amour, tu
peux mourir, ô lumière des âmes,
Car ton
rapide éclair contient l’Éternité.
Leconte de
Lisle
Chez les parnassien le travail artistique est souvent comparé au sculpteur ou au laboureur qui doit transformer une matière difficile, le langage, en beau par et grâce à un patient travail. Idée similaire que l'on retrouve chez les alchimistes pour décrire le travail de l'artiste du Grand Oeuvre.